La conjugaison du passé ou "Comment aborder autrement les marques du passé ?"



L’idée de ce blog est de donner du sens à des éléments qui peuvent, au premier abord, ne pas en avoir. Et parmi ces éléments, il y a la conjugaison au passé.

A priori, rien de plus simple que de conjuguer un verbe au passé, il suffit d’ajouter la syllabe - à la fin du verbe. Certes, entre les verbes 五段ごだん et les verbes 一段いちだん, il y a une différence mais que sont des règles s’il n’y a pas quelques exceptions. Sauf qu’en matière de forme passée, le « quelques » signifie une douzaine d’exceptions. Il est bien entendu possible de les apprendre par cœur. Mais le japonais contient déjà suffisamment de choses à retenir pour ne pas accaparer notre mémoire plus que nécessaire !

Heureusement, en regardant attentivement la construction du passé en japonais (et avec quelques principes de prononciation), on peut trouver une forme de logique. Et pour cela, quelques règles suffisent (oui, « quelques » encore mais moins que le nombre d’exceptions indiqué précédemment…).

 

La première règle, et la plus importante, est que le passé se fait en ajoutant - à la fin non pas du verbe mais de la base connective (celle qui se termine en [I] pour les verbes 五段). On a donc l’impression que son [U] final est remplacé par -いた. Ainsi, (はな) a comme base connective 話し auquel on ajoute - ce qui donne話した. Et ce sera le cas de tous les verbes finissant par -.

 

La deuxième règle, presque aussi importante que la première, est que le [I] qui termine la base connective a tendance à s’éluder. C’est un phénomène courant en japonais : ce [I] est souvent à peine prononcé. Ainsi, par exemple, katsu (()) devrait donner kachita. Cependant, puisque le [I] s’élude, on obtient kachta. Et c’est là où la prononciation joue encore un rôle. Un tel mot est très difficilement prononçable. Aussi, très naturellement, la prononciation du premier [T] se transforme en une marque de consonne soutenu, c’est-à-dire , ce qui donne katta. Et on a bien, pour 勝つ, 勝ち + - qui devient, après prononciation, 勝った.

On peut se demander pourquoi il n’y a pas la même élision du [I] pour la forme 話した. En réalité, le [I] est bien éludé. Mais cette élision ne pose guère de problème à la prononciation, le [S] n’a donc pas de raison de se transformer en . Ceci explique pourquoi le [I] a été conservé dans 話した tout comme dans bon nombre de mots japonais composé de où l’oral élude le [I] sans que le kana mérite d’être transformé en un autre kana.

Cette règle fonctionne pour les verbes en -, mais également les verbes 五段 en -. Ainsi :

()かる -> [wakarita -> wkarta -> wakatta] -> 分かった

C’est aussi le cas des verbes en -. Pour eux, il faut comprendre que le - est en réalité comme un [WU] et donc, à la base connective, le - est comme un [WI]. Le son [WI] n’existant plus en japonais, il est simplement remplacé par un (d’ailleurs au négatif, on a bien gardé cela puisque le - devient -).

()-> [kawita -> kawta -> katta] -> 買った

 

Règle n°3, l’élision se fait sur le K ou le G et non sur le I. Ainsi, pour les verbes finissant en -, on aura une fin en -いた. Ainsi, ()-> [kakita -> kaita] > 書いた.

C’est étonnant et je n’ai pas d’explication claire. C’est comme si le K (ou le G) était encore plus facilement effaçable que le I. On dira que celle-là, il faut l’apprendre par cœur…

 

La quatrième règle a plus d’impacts. Certaines consonnes sont plus sonores que d’autres. Ainsi, les consonnes K, P, S par exemple, ont une version plus sonore, à savoir G, B, Z. Or, la sonorité de la dernière syllabe contamine la marque du passé -. La version sonore du T étant D, - devient donc -. Ainsi, (およ)-> [oyogita -> oyogida -> oyoida] -> 泳いだ. Tous les verbes en suivront donc ce schéma.

De même, les verbes en - suivront le même schéma. Ainsi, () -> [shinita -> shinida -> shinda] -> 死んだ. Je ne sais pas si on peut dire que le [N] est une très sonore. Mais le [N] s’associe mieux, dans la prononciation, avec le D qu’avec le T.

 

Enfin, cinquième et dernière règle, toujours liée à la prononciation, les  sons [M] et [B] sont dentalisées à côté d’un [D]. La dentalisation signifie que ces [M] et [B] vont se transformer en [N]. Nous avons le même fonctionnement en français. Beaucoup de mots proviennent du latin cum (qui signifie « avec, ensemble »). Le M final s’est dentalisé si la consonne suivante était un T ou un D mais est resté un M dans les autre cas. C’est pourquoi on écrit Contacter ou Conduire mais Comprendre ou Comme. La raison en est, comme toujours, une facilité de prononciation. Selon ce principe, () -> [nomita -> nomida -> nomda -> nonda] -> 飲んだ. C’est parce que le disparait et qu’il est plus difficile de prononcer un [M] devant un [D] que le [M] devient un [N].

Pour le [B], ce sera la même idée, avec le passage par l’étape -mda. Nous avons donc(あそ)-> [asobita -> asobida -> asobda -> asomda -> asonda] -> 遊んだ.

 

Pour les verbes 一段, c’est plus simple. La base connective n’est jamais modifiée. Il n’y a donc  aucune élisions. On a donc, par exemple, ()べる-> 食べた.

 

De même, au vu de ce qui précède, les verbesいる et ある ont un fonctionnement tout à fait normal. いる, en tant que verbe 一段, donne いた. De même, ある suit le modèle de 分かる : ある -> [arita -> arta] -> あった.

 

Quant àする et (), étonnamment pour des verbes considérés comme irréguliers, ils respectent le principe d’origine, à savoir la base connective suivie de -. On pourrait s’attendre que 来る suive la règle des verbes en -. Mais cela pourrait certainement prêter à confusion avec le passé du verbe いる qui est un verbe très utilisé, d’où l’absence de déformation comme les autres verbes en -.

 

Le vrai verbe irrégulier est finalement (). Il ne suit aucune des règles énoncées ci-dessus. On s’attendrait à avoir ikita -> iita. Mais finalement, on a 行く-> [ikita -> ikta] -> 行った.

 

Concernant la copule です, la forme sera nécessairement particulièrement puisqu’il ne s’agit pas d’un verbe au sens stricte. Pour autant, sa forme est très semblable à ce qu’on pourrait attendre d’un verbe puisque です donne でした au passé. Pour sa forme familière, rappelons-nous que cette forme est en réalité la contraction de でet du verbe ある. On obtient donc logiquement au passé であった, contracté en だった.

 

Il reste le cas des adjectifs. Nous ne parlerons pas bien entendu des adjectifs en -mais des adjectifs en -. Ces derniers font leur formes (autres que la base en -) en remplaçant ce par auquel on ajoute le verbe ある. Pour la forme passée, on a donc naturellement - + あった. Toujours par souci de faciliter la prononciation, le [U] de - est élidé pour former -かった. Par exemple, (さむ) -> 寒く + あった => 寒かった.

 

Dernière chose, on pourrait s’étonner que le phénomène d’élision du final de la base connective des verbes 五段 n’apparaisse pas ailleurs. Cette base connective est clairement utilisée pour la forme polie, par exemple. Or, le ne disparait jamais. L’explication la plus cohérente est qu’une élision s’accorde mal avec une forme polie. Le langage soutenu impose un soin particulier, y compris dans la prononciation. De même, l’utilisation de la base connective pour former des noms n’aboutit pas non plus à élider le . Ce dernier étant la finale du mot et non suivi par une autre syllabe, il semble plus facile de le prononcer.


Ce qui précède devrait vous apporter quelques billes pour mieux retenir les différentes façons de former le passé. Et il ne s’agit pas d’autre chose que cela. Très sincèrement, j’ignore l’origine exacte de ces différentes formulations. Peut-être me suis-je parfois approché de la réalité et d’autre fois non. Mais à défaut de connaître l’étymologie du passé en japonais, ces quelques explications tentent malgré tout d’apporter un peu de sens dans des formulations qui semblent ne pas en avoir. C’est déjà ça…

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